Description
Fin décembre 1849, le grand-père de Pharaon Houx embarqua à bord du « Jacques Lafitte ». Il faisait partie des soixante premiers candidats à la célèbre ruée vers l’or. Il revint en France aussi pauvre qu’à son départ, mais accompagné de son épouse indienne et de leur fils, Désiré.
Ce dernier partit chercher du travail au Borinage et épousa Rosine Stamanne, fille d’un avocat français résidant dans une petite maison sur la route de Mons à Boussu. De leur union naquirent deux fils, tous deux artistes : Désiré, surnommé Voltaire, né le 1er juillet 1882, et Jean-Baptiste Houx, né le 13 mai 1884, qui devint le prestigieux baryton et professeur de chant Pharaon Houx.
INITIATION À LA MUSIQUE
Dès l’âge de trois ou quatre ans, les deux frères furent initiés à la musique. En 1889, on pouvait voir le jeune Voltaire jouer de la clarinette aux côtés de son frère Pharaon et de leur père Désiré, tous deux accordéonistes. M. Roucourt, instituteur à l’école Delvigne et futur directeur de l’établissement en septembre 1899, fut impressionné par l’intelligence des deux garçons. Il proposa à leur père de chercher une bourse pour eux, mais celui-ci, borné, refusa catégoriquement et les mit rapidement au travail. Leur mère, surnommée « la petite Rosine », fit toutefois en sorte qu’ils puissent suivre des cours du soir à Jemappes et intégrer par la suite le conservatoire. Ainsi, à 14 ans, Pharaon prit des leçons de diction et suivit les cours de chant du réputé maître Tondeur. Il obtint un premier prix au Conservatoire de Mons, puis un premier prix d’excellence au Conservatoire de Bruxelles, accompagné d’une médaille du gouvernement. À Quaregnon, il bénéficia du soutien de l’excellent musicologue Georges Descamps, ingénieur des mines mais aussi fervent mélomane, qui s’investit avec passion dans la promotion de son talent.
SA CARRIÈRE
Ses premiers véritables débuts sur scène eurent lieu à Quaregnon, sous l’impulsion de M. Erculisse, directeur de l’école de musique. Il y interpréta un rôle de basse remarqué dans Le Messie. Pharaon Houx se produisit ensuite à Mons en 1911-1912, enchaînant les succès dans La Tosca, Hérodiade, La Favorite, Rigoletto, etc. Son talent s’exprima cependant pleinement dans l’oratorio biblique, notamment La Passion selon Saint Jean et La Passion selon Saint Matthieu de J.S. Bach, qu’il chanta à Gand.
Il se produisit à Marseille, où il rencontra un autre chanteur quaregnonnais de renom, Jules Godart, avec qui il se lia d’amitié. Plus tard, à l’Opéra du Caire, il fut ovationné et reçut un véritable triomphe, moment phare de sa carrière. En Égypte, il fut même payé en or. Peu après, il intégra l’Opéra de Paris, où il connut la gloire.
UN CARACTÈRE FAROUCHE
Pharaon Houx fut ovationné sur les plus grandes scènes pendant des années. Sa voix était, dit-on, plus pure que celle d’André Baugé lui-même, mais aucun enregistrement ne fut jamais réalisé. Professeur au Conservatoire de Mons, il forma de nombreux élèves. Pourtant, avec le temps, il devint de plus en plus tourmenté, soupçonneux et replié sur lui-même.
Marié à Paula Lhermite, il n’eut pas d’enfants. Après la mort de son épouse, il vécut en ermite, dur et hostile à tout contact. Parfois, il donnait un concert pour subvenir à ses besoins, puis il se retira dans une petite maison à Quaregnon, au 114, rue Castillon, où il s’installa dès le 18 octobre 1932. Il vendit alors ses bijoux, ses tableaux, tout ce qu’il possédait. Il donna sa dernière représentation en 1952 au Salon de l’Harmonie, invité par la chorale des Bardes du Hainaut.
UN TRAGIQUE ISOLEMENT
L’artiste s’enferma peu à peu dans une solitude tragique, refusant tout contact, sauf avec quelques élèves à qui il enseignait le chant à un prix élevé pour survivre. Un jour, Mme Daise-Houx raconte qu’un agent de police prévint sa famille de son état de santé alarmant. En dépit de son refus de toute aide, ils constatèrent qu’il souffrait de gangrène. Transporté à la clinique de Baudour, il retrouva un bref espoir en la vie grâce à la gentillesse d’une infirmière. Mais l’infection était trop avancée pour permettre une amputation. Il s’éteignit le 30 décembre 1965 dans l’anonymat qu’il semblait avoir choisi, hanté par l’ambition frustrée et l’amertume des rivalités passées.
Petit-fils d’une Indienne et d’un chercheur d’or californien, Pharaon Houx repose aujourd’hui au cimetière de Quaregnon. Lui, qui incarna avec brio le bouffon tragique dans Rigoletto de Verdi, connut la richesse avant de tout perdre et de mourir misérablement, selon son propre choix. Il ignorait qu’un jour, un comité le tirerait de l’oubli et lui rendrait hommage. Pharaon Houx demeure parmi nous !
Sources : article de monsieur Georges ANTHOINE parut dans le Journal de Quaregnon d’août 1987, période n°7 page 16 et informations présentes sur le site de l’Administration communale de Quaregnon.