Description
Dans un assez long article, fort bien documenté, paru dans la Revue Belge d’histoire contemporaine, Madame Marinette Bruwier de Maisières, professeur d’histoire économique a étudié l’introduction des machines à feu dans les charbonnages borains, au XVIIIe siècle.
Nous savions, par les travaux des érudits Toilliez et Gonzalès Decamps, que ces machines avaient été construites par des mécaniciens venus de Liège ou du pays de Namur, mais ils n’en fournirent aucune preuve.
Le mérite de Madame Bruwier, c’est d’avoir eu l’idée et la patience de fouiller longuement tous les registres paroissiaux et les registres d’état civil de la région de Mons, ce qui lui a permis de découvrir trois noms de famille étrangers au Borinage : Rorive, Dorzée et Goffint.
Lambert Rorive, né vraisemblablement à Tilleur, vers 1695, est arrivé chez nous avec ses trois fils nés à Herstal, vers 1745. Son fils aîné, Lambert comme son père, né en 1720, épousa Anne Brasseur. Leur premier fils, Georges-Lambert fut baptisé à Boussu, le 17 mai 1747 et c’est par cet acte qu’apparait le nom Rorive pour la première fois.
Cette famille fut très prolifique et c’est encore par des dizaines que se comptent les Rorive en Hainaut, tous descendants de Lambert. Qu’on en juge : ce Lambert, né en 1720, eut sept fils et sept filles, dont dix baptisés à Quaregnon. Veuf après 1764, il épousa Marie-Françoise Brique d’Hautrage, et eut à nouveau quatre fils et deux filles. Encore ne tient-on pas compte des enfants mort-nés, puisque le curé n’enregistrait sur son cahier que les enfants qu’il avait baptisés. Famille prolifique, certes, car le frère de Lambert, Jean-Antoine, épousa Jeanne-Marguerite Urbain, de Pâturage, et il eut également sept fils et sept filles ! Enfants qui, à leur tour, bien entendu, multiplièrent de petits Rorive. Un des fils de Jean-Antoine, Antoine-Chrysostome, baptisé à Quaregnon, le 18 septembre 1757, eut lui aussi sept fils (était-ce une obligation ?) et seulement trois filles. Un de ses fils, baptisé à Warquignies, le 16 mars 1782, servit en Espagne et mourut à Madrid, le 15 avril 1812.
Cette généalogie est encore compliquée par des naissances illégitimes, deux frères ayant eu chacun deux enfants naturels, avant leur mariage, et sur trois générations, quatre filles Rorive eurent des bâtards. Les autres épousèrent les fils de famille suivants, et leurs descendants sont donc aussi du sang de Lambert Rorive, ce qui ajoute quelques centaines de cousins : Delbecq, d’Huissignies, Delivet, de Quaregnon, Antoine Becquet, de Mons (9 janvier 1770); Jean-Baptiste Godefroy, de Mons (17 novembre 1778), Thomas-Joseph Cailleaux, de Quaregnon (4 août 1779) : François Adant, d’Hornu; Pierre-François Carlon, de Dour (7 janvier 1796); Pierre Laurent, de Wasmes, Pierre Caudron, de Jemappes; Dieudonné Joly, etc. Tout ceci à l’époque impériale, ce qui laisse supposer des centaines de nouvelles alliances depuis lors.
Pratiquement la moitié des Borains sont cousins et quand on déplore la dépopulation de notre région, on doit se féliciter qu’un certain Lambert Rorive soit venu de Liège il y a deux siècles. Bien entendu les Rorive furent d’excellents machinistes, mais ils ne parvinrent pas à quitter leur milieu social.
Recherchés au début pour leur talent, ils ne surent se perfectionner et leurs secrets furent vite connus des Borains. Madame Bruwier constate que les enfants devinrent journaliers, ouvriers, et les filles sont citées comme journalières, domestiques, couturières dans les registres. Elle conclut que : « tous les indices convergent. Les Rorive, malgré leur compétence technique particulière, n’ont pas quitté le monde ouvrier.
Les deux autres mécaniciens par contre, Philippe Dorzée, né en 1729 et Jean-François Goffinst, né en 1722, parvinrent à perfectioner leurs machines et à réaliser de précieuses unions. Grâce au minutieux travail de Madame Bruwier, nous connaissons leurs descendants.
Georges ANTHOINE
Source : Journal de Quaregnon n° 29, mars 1993 page 10